« La gestion de la paie relève aujourd’hui de l’expertise juridique »

PAY JOB – De quelle façon le métier de gestionnaire de paie a-t-il évolué ces dernières années ?
Benoit Perret – Depuis le début des années 2000 et la mise en place des 35 heures, la législation du Code du travail ne cesse de changer. Le cadre législatif de la paie a toujours bougé, mais la vitesse actuelle des évolutions est un phénomène plus récent. Bientôt, ce sont les lois Rebsamen et Macron qui devront être assimilées. Cette complexification croissante a transformé en profondeur le métier : auparavant centré sur des tâches « mécaniques », il nécessite aujourd’hui une forte expertise – un changement qui n’est pas encore assez pris en compte par les entreprises, alors que les enjeux juridiques et financiers sont très importants. Or les entreprises qui ne font pas de veille légale régulière sont confrontées à des risques d’erreurs, sur la rémunération versée au salarié ou sur les charges sociales. Ces éléments compliquent l’acquisition et la préservation de cette expertise.
Comment réagissent les entreprises ?
Elles sont face à deux alternatives : soit elles continuent de réaliser la paie elles-mêmes, soit elles la confient à un prestataire. Dans ce dernier cas, on se situe dans une logique d’externalisation totale ou partielle – elles gardent alors la main sur l’alimentation des données, leur contrôle et la finalisation des démarches. On constate que les précurseurs, qui dès les années 2000 ont opté pour la délégation à des prestataires, reprennent aujourd’hui la main sur la vérification des informations. Cela s’explique par la perte de cette expertise en interne, qui limitait notamment l’information donnée aux salariés.
En dehors du cadre juridique, quelles évolutions constatez-vous aujourd’hui ?
La technologie permet un meilleur partage de l’information, avec pour objectif une sécurité et une fiabilité optimales. Encore faut-il s’assurer de l’adéquation entre le bulletin de paie et la réalité de terrain, par exemple les fréquentes fluctuations du nombre d’heures effectives dans les métiers de la production. Une grande réactivité est nécessaire, ainsi qu’un contrôle rigoureux. Cet exemple illustre l’importance de l’action humaine, même sur les outils technologiques les plus perfectionnés.
Comment les gestionnaires de paie peuvent-ils s’adapter à ces multiples contraintes ?
Comme pour tout métier confronté à des changements importants, la formation est essentielle. Les entreprises sont confrontées à une épée de Damoclès : toute erreur peut se traduire par un contrôle Urssaf ou un recours prudhommal. Elles prennent donc un risque important si les professionnels de la paie ne sont pas suffisamment au courant des évolutions légales et technologiques, ce qui implique au moins deux formations par an. La mise en place, l’année prochaine, de la déclaration sociale nominative est source de stress pour les gestionnaires. Les logiciels sont-ils adaptés ? Comment s’assurer de la justesse des calculs ? On le voit avec l’exemple de ce prochain dispositif, ce métier nécessite des mises à jour régulières sur les outils et les contenus. Savoir, maîtriser, mettre en œuvre : c’est bel et bien une fonction experte qui est indispensable aux entreprises aujourd’hui.