Publié le : 12/01/16

SNCF : chronique d’un projet SIRH réussi

Sébastien Gayet KURT SALMON - PAY JOB

Manager RH et SIRH chez Kurt Salmon depuis 2011, Sébastien Gayet pilote des projets transverses RH/SIRH pour de grands comptes publics/privés, du schéma directeur à la mise en service en passant par le choix de la solution et la conduite du changement. Il était en charge du projet SIRH de la SNCF, accompagné par Kurt Salmon. Il revient pour nous sur cette ambitieuse opération.

PAY JOBKurt Salmon a accompagné la SNCF dans la mise en place d’un nouveau SIRH. Dans quelles conditions s’est déroulée votre intervention ? Quels en étaient les enjeux ?

Sébastien Gayet : La SNCF a effectivement entrepris en 2012 la modernisation de son SIRH. Auparavant, l’entreprise utilisait un outil maison, fondé sur une technologie obsolète qui générait des coûts de maintenance exponentiels. Nous avons accompagné la mise en place d’une solution « gestion et paie », capable d’assurer 160 000 paies, impliquant 4000 gestionnaires. C’est à ma connaissance le plus gros projet SIRH des dernières années qui ait abouti.

L‘enjeu pour la DRH était de trouver un nouveau positionnement (optimisation des processus, montée en compétence des acteurs RH,…) tout en améliorant la qualité de service rendue aux agents.

Il y avait un objectif d’optimisation : plus d’automatisation, moins de saisie, moins de variables, meilleur moteur de calcul… Il fallait mettre en place des workflows, notamment entre les centres de services partagés (CSP/Central) et les établissements (local). Le but était de tout faire à partir d’un même outil en commun intégrant la gestion administrative et la paie ; et, en conséquence, de gagner du temps, de la réactivité, de l’efficacité. Il s’agissait d’automatiser au maximum les calculs, en tenant compte des tâches métier de chacun. Le système a été mis en production le 1er janvier 2015.

Kurt Salmon est intervenu très en amont sur ce projet, sur toute la partie « conduite du changement ». Nous avons accompagné la SNCF sur les études d’impact sur les postes, sur la gestion des emplois et des compétences (GPEC). Il s’agissait de mener une vraie réflexion sur les métiers au sein de la DRH, et sur l’impact du nouvel outil sur leur évolution. Une étude de cadrage a été conduite sur les hommes et sur les postes.

Nous avons commencé très tôt, dès 2012, et nous avons bénéficié de tous les moyens nécessaires pour un chantier de cette ampleur. Nous avons pu mettre en place une cellule de conduite du changement très dense et très active. La SNCF nous a vraiment permis de faire tout ce qui doit être fait dans un projet SIRH de ce type. Trois consultants de Kurt Salmon ont été mobilisés à temps plein, et 6 ou 7 équivalents temps plein chez le client. Au pic de l’activité, une centaine de personnes travaillaient à temps plein sur le projet.

Quel était le périmètre de votre intervention ?

Nous avons travaillé d’abord sur le positionnement stratégique, sur toute la partie étude d’impact, puis sur la mise en œuvre, jusqu’au déploiement de l’outil, dans le détail opérationnel. Cette capacité à considérer aussi bien la vision d’ensemble que la réalisation sur le terrain était très rassurante pour le client.

L’accompagnement a porté sur plusieurs aspects : la conception et la diffusion d’un plan de communication, avec l’élaboration d’un dispositif de relais à l’échelle nationale ; l’accompagnement local, avec une vingtaine de personnes relais à temps plein ; l’organisation de séminaires ; sans oublier toute la partie ingénierie sociale, associant l’ensemble des instances représentatives du personnel (IRP), afin de s’assurer que le projet ait bien été compris et validé par tous.

Les enjeux, dans le cas de la SNCF, sont de taille : un SIRH déficient, des dysfonctionnements dans la paie peuvent avoir des conséquences sur le climat social, avec un risque de grève et d’immobilisation du trafic. C’est tout le pays qui peut être paralysé. Nous devions être en mesure de mettre en place des cellules de crise, et donc être sensibles aux alertes, qu’il s’agisse de critiques exprimées sur le projet ou d’anomalies dans le système. Il fallait pouvoir réagir tout de suite. Un centre d’appel a été mis en place, pour répondre aux questions et aux inquiétudes sur le bulletin de paie.

L’opération s’est conclue sur des séminaires réalisés avec le management de la SNCF : un premier séminaire de clôture pour mesurer la réussite du projet et un autre pour prendre acte du changement d’outils, de l’entrée dans une démarche digitale, avec ses conséquences en matière de gestion des compétences.

Nous avons donc pu conduire cet accompagnement du changement à son terme en ouvrant sur un vrai projet d’entreprise.

Quel est le secret de ce succès ?

D’abord, le fait de pouvoir travailler avec toutes les « strates » de l’entreprise. Nous étions en lien direct avec la DRH, avec le directeur paie au quotidien ; mais nous avions des relais dans les régions, avec l’opérationnel. Le changement n’a pas été piloté depuis une bulle ou une tour d’ivoire. L’outil a été conçu en liaison avec les professionnels du métier, qui connaissent le quotidien des gestionnaires paie. Nous avons même poussé la démarche jusqu’à un certain degré de personnalisation.

Nous avons bien sûr travaillé en parallèle avec le prestataire de la solution informatique. Le produit a été choisi dès 2012, et nous avons accompagné à la validation des spécifications, afin de nous assurer que l’on répondait bien aux besoins des utilisateurs en les intégrant sur l’ensemble des phases projet. C’est également l’une des clés de notre réussite : nous avons pu intervenir à toutes les étapes de l’élaboration du produit, à chaque test intermédiaire, dans un processus itératif. Le résultat, c’est que nous n’avons pas eu de mauvaise surprise à l’arrivée. Il y avait des choses à ajouter, à ajuster, bien sûr, mais pas de grosse erreur de conception.

Cet aspect « concertation » était essentiel, à la fois pour concevoir l’outil pertinent, mais aussi pour accompagner le changement, et répondre aux inquiétudes que suscite toujours ce genre de projets. Certains ont pu craindre que celui-ci ait pour objectif de limiter les effectifs, voire de sous-traiter la paie… Notre intervention a permis de faire comprendre le projet, qui consistait d’abord à améliorer la qualité de service, en libérant les gestionnaires paie des tâches les plus répétitives, en leur permettant de faire moins de saisie et davantage de réponses aux questions des clients.

La réussite du projet peut se mesurer par ces simples faits : le centre d’appel prévu a été sollicité à moins de 10% de sa capacité, et les cellules de crise n’ont pas été mobilisées.

Le secret, enfin, je l’ai déjà dit, c’est que la SNCF s’est vraiment donné les moyens de réussir. Nous avons réalisé des benchmarks auprès de projets similaires, et à chaque fois, la SNCF a choisi de suivre nos recommandations, et de mettre à disposition des ressources et l’équipement nécessaires. Nous avons terminé, de façon plus « événementielle », sur un séminaire à la campagne. La journée s’est terminée dans un champ, avec des montgolfières ; certains sont montés, d’autres ont eu peur… C’est un peu une métaphore du changement et des réactions qu’il suscite.

 

 

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Crédit illustration : kittitee550/Fotolia