07/02/17

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Par PAY JOB

ADP, RH & Social

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Cette fonction est relativement jeune en France. Souvent rattachée hiérarchiquement au département Paie, elle partage de nombreux enjeux avec le département financier.
Quel est le rôle d’un Compensation Benefits Manager (Responsable Rémunérations et avantage sociaux, en français) ?  Quelles sont ses missions ?
Un professionnel nous éclaire.

Diplômé d’une école de commerce, Soufiane Hilali découvre la fonction RH au cours de différents stages, avant de se spécialiser en Compensation & Benefits. Ce métier le séduit avant tout par son juste équilibre entre compétences RH et gestion des chiffres.  Il exerce au sein de groupes bancaires depuis plusieurs années.

Pourriez-vous nous décrire vos missions ?

Les missions d’un responsable compensation & Benefits peuvent varier profondément en fonction des secteurs d’activité. Dans le secteur bancaire, mes tâches sont les suivantes :

Côté Rémunération, je pilote la campagne annuelle de revue des situations. Cela consiste à mettre en place un système de rémunération cohérent et juste, qui respecte les directives européennes, légales et les règles de l’entreprise. Il convient bien entendu de revoir la situation des collaborateurs en fonction de leur performance, mais également de négocier les coûts et les budgets. Ces enjeux sont au centre des intérêts des collaborateurs, des managers et des acteurs du service Ressources Humaines. La rémunération en banque est un sujet très délicat.
D’autre part, le reste de l’année, il s’agit de déterminer les salaires des entrants, en fonction des grilles de salaires (s’il y en a), du marché, de la situation interne et des prétentions du candidat. De même pour certains cas de mobilité ou de promotion.
Il faut noter que les pratiques et la politique de gestion de la rémunération varient selon les employeurs, la taille de l’entreprise et le pays.
Le métier implique d’autres responsabilités comme le conseil aux managers pour la gestion des cas particuliers, les réflexions pour anticiper et mettre en place les changements de systèmes de rémunérations, les négociations pour trouver les budgets pour les collaborateurs, etc.

Côté gestion de la performance, je dois aussi piloter la campagne d’évaluation qui détermine la rémunération variable ces collaborateurs. Il s’agit donc du socle sur lequel se base le système de rémunération variable pour certaines populations salariées.

Egalement, j’ai la responsabilité de la mobilité internationale. Dans de nombreuses entreprises, les deux métiers sont liés (comp&ben et mobilité internationale) car les enjeux de rémunération des travailleurs détachés (sortants ou entrants) sont nombreux et délicats.

Enfin, je gère des projets parallèles comme le calcul de l’intéressement et de la participation, les tableaux de reporting se rapportant à la gestion de la masse salariale, au pilotage de la pyramide de séniorité, etc. Ou encore des événements plus exceptionnels comme l’intégration d’une entreprise suite à une fusion ou une acquisition, qui impliquent un grand travail d’alignement des rémunérations et des schémas de rémunération.

Selon vous, quelles sont les qualités et les compétences indispensables pour ce poste ? 

Elles sont nombreuses ; certaines sont incontournables. La première est l’aisance avec les chiffres. Il faut savoir jouer entre les tableaux Excel et les formules mathématiques.

La deuxième est la rigueur. Les salaires et bonus sont au cœur des préoccupations des salariés. Une erreur, un mauvais calcul ou un mauvais benchmark auront des impacts directs sur la vie du collaborateur. Il est essentiel de garder cet élément en tête. Ça ajoute beaucoup de pression ; mais la fierté qu’on peut tirer de ne pas faire d’erreur en est d’autant plus satisfaisante.

La troisième est la créativité. Aujourd’hui, il est clairement impossible de satisfaire, motiver et gérer les collaborateurs avec des systèmes de rémunérations simples et standards. Il faut être créatif dans la négociation, dans la modélisation etc.

Quelles sont les principales difficultés liées à cette fonction ?

La première difficulté est d’être sûr que les informations sur lesquelles on se fonde pour établir ses calculs sont exactes. Malheureusement, ce n’est pas toujours chose aisée en Ressources Humaines.

Une autre difficulté est liée à la pression que l’on peut ressentir lors des périodes clés où se décident les négociations des budgets, la détermination des primes et les augmentations de salaire.

Une des plus grandes exigences liées au métier de Comp&Ben est de parvenir à garder le contrôle et à prendre du recul. Il faut savoir se détacher, des enjeux liés aux plus grosses rémunérations, des enjeux politiques qui parfois s’insinuent dans les process, ou des plaintes des collaborateurs que nous ne pouvons pas satisfaire. Le métier est jalonné par le sentiment de frustration. Les débuts sont difficiles. Les jeunes diplômés intégrant les fonctions de Comp&Ben passent toujours par cette période de désillusion.

Quelles « dynamiques du métier » constatez-vous actuellement ?

Je dirais que c’est l’un des métiers avec le plus gros potentiel de créativité et d’innovation. On rentre de plus en plus dans une individualisation du système de rémunérations. Les profils sont de plus en plus divers et les métiers se renouvellent sans arrêt. Les politiques internes de gestion des coûts nous poussent aussi vers cela. Il faut savoir adapter la rémunération aux différents paramètres.

Prenons par exemple la régulation européenne sur les rémunérations (CRD III puis CRD IV etc.) Ces régulations obligent les grandes banques à adapter leurs systèmes de rémunérations. Il faut aussi savoir être créatif quand on fait face à une demande de rétention (collaborateurs recevant une offre concurrente mais que nous voulons garder). Il faut être innovant dans la gestion des coûts et permettre une plus grande flexibilité aux managers tout en évitant l’inflation de la masse salariale. Sans oublier d’être créatif dans la communication des mauvaises nouvelles. La rémunération a un impact direct sur la motivation et l’engagement des collaborateurs.

Quel constat dressez-vous à propos des politiques de rémunération ?

Le constat en France est assez triste. Les entreprises sont bloquées en France à différents niveaux. Il est très difficile d’être créatif sur la rémunération en France pour plusieurs raisons. Tout d’abord les charges patronales explosent tous les records mondiaux.

Ayant travaillé 4 ans au sein de la Société Générale en tant que Comp&Ben, le constat est bluffant : la France a le taux de charge patronales le plus élevé des 66 pays dans lesquels la banque est présente (et de loin). Il est donc très compliqué d’augmenter les salaires en France pour ces raisons. Sur les 5 dernières années le salaire moyen en France s’est clairement détaché du salaire moyen de pays comparables. L’écart est encore plus flagrant avec des pays comme les Etats-Unis, le Japon, Hong Kong etc. Il est indispensable que les politiques agissent en ce sens, car les budgets d’augmentations ne dépassent plus les 2% depuis 5 ans. Les écarts générationnels sont encore plus graves. Les jeunes ne profitent pas des augmentations dont leurs aînés ont profité. Nous allons assister à une fuite des cerveaux si la situation ne change pas rapidement.

J’en profite aussi pour lancer un message d’alerte sur l’égalité Homme/femme au niveau des salaires. En France, la situation est catastrophique dans le monde de la finance qui, traditionnellement, est un monde d’hommes. Il est essentiel que les entreprises fassent un geste significatif pour régler une bonne fois pour toute ce problème.