SIRH Paie dans le secteur public : un marché d’experts
Hélène Barrios est directrice générale de Cegid Public, la filiale du groupe Cegid dédiée aux SIRH du secteur public. Ingénieur d’affaires dans plusieurs entreprises informatiques à partir de 1998 (Civitas, Umanis, Intentia Consulting), et elle a retrouvé Civitas en 2004. Elle en prend la direction des opérations et du marketing stratégique en 2009, puis rejoint son poste actuel à la direction générale de Cegid Public, issu de la fusion entre Civitas et Visa Informatique. Elle nous parle des grandes tendances à l’œuvre sur ce marché très particulier et des contraintes propres à la demande publique en matière de SIRH paie.
Quelles sont les principales spécificités techniques d’un SIRH paie destiné au secteur public ?
La paie du public est structurée avant tout autour du statut des fonctionnaires, ou plutôt des statuts :
- fonction publique d’État,
- fonction publique territoriale,
- fonction publique hospitalière.
La principale particularité de la paie dans le public, c’est son fonctionnement indiciaire. La rémunération du fonctionnaire est fondée sur un indice, lui-même dépendant d’un échelon, inscrit dans une grille, elle-même attachée à un grade. C’est un mécanisme très réglementé. L’indice, multiplié par la valeur du point, donne le montant du traitement de base. Les organismes sociaux, les cotisations, les règles de gestion des temps… ne sont pas non plus les mêmes que dans le privé.
Il y a un autre élément essentiel propre à la paie du public : c’est la rétroactivité. Lorsque survient un changement réglementaire, il s’applique sur les paies passées, sur plusieurs mois. Il faut donc assurer les rappels de paie. Les calculs que cela suppose requièrent des moteurs de paie très puissants dans le SIRH.
S’ajoute encore la question des primes et des régimes indemnitaires, dont certains aspects obéissent à des mécanismes généraux, communs à tous les organismes publics, tandis que d’autres relèvent de règles délibérées par chacun d’eux.
Par ailleurs, pour toute la partie RH, le fonctionnement est là encore très spécifique : il y a, par exemple, la gestion du statut et les règles automatiques de l’avancement, qui rythment les évolutions de carrière.
La paie dans le public est donc construite sur des règles très détaillées et très complexes, plus encore que dans le privé. Nos solutions doivent répondre à cette complexité, avec un niveau important de fiabilité.
Comment l’offre est-elle segmentée ?
Un peu comme sur le marché du SIRH privé : de même qu’il y a les TPE-PME, les PME-ETI et les grands comptes, nous avons des petites collectivités, un middle market et de grands organismes, qui requièrent des solutions différentes.
Pour les petites et très petites collectivités (moins de 5 000 habitants), nous avons développé une offre dédiée, Channel, qui consiste en un bouquet de services Saas. C’est la première offre lancée dans le secteur public en mode Cloud. Il s’agit d’un outil très ergonomique, évolutif, avec des tableaux de bord, un fonctionnement par abonnement ou à l’usage.
Il y a ensuite un marché constitué de villes et agglomérations moyennes, mais aussi des centres de gestion de la fonction publique territoriale. Il s’agit de centres auxquels les petites collectivités peuvent déléguer leur paie et leur gestion des carrières par le biais d’un portail déconcentré. Les agglomérations moyennes souhaitent quant à elles gérer davantage de fonctions en interne, et notre offre est conçue pour répondre à cette demande de façon agile.
Une troisième offre est dédiée aux grandes organisations publiques : villes de plus de 80 000 habitants, conseils départementaux, conseils régionaux, établissements publics… Pour ce segment, nous proposons un SIRH plus étoffé, sur un périmètre de fonctionnalités plus large, également disponible en Cloud de façon optionnelle.
En somme, pour les plus petits organismes, on reste le plus souvent sur la gestion de la paie, avec des processus métier très automatisés. Plus la taille augmente, plus l’outil est personnalisable, et plus le nombre de fonctions couvertes en RH s’accroît.
Un élément clé est donc de maîtriser cette personnalisation, de savoir adapter l’outil au régime indemnitaire du client, à ses particularités, au périmètre de sa demande.
Comment Cegid est-il positionné sur le marché du SIRH paie du secteur public ?
Grâce à la configuration et au ciblage de notre offre, nous sommes très bien représentés sur tous les segments. Il faut préciser que ce marché du public est un marché de niche, très spécialisé, supposant la maîtrise d’expertises très pointues. De ce fait, les acteurs sont moins nombreux que sur le marché du SIRH privé, et les masses ne sont pas comparables. Nous avons 30 ans d’expérience dans ce domaine et 160 collaborateurs au sein de Cegid Public ; cela explique notre position forte sur l’ensemble des segments.
Comment évolue l’environnement réglementaire ?
Le changement réglementaire est encore plus rapide dans le public. L’année dernière, nous avons géré 52 décrets, soit 1 par semaine ! Et contrairement à ce qui se passe dans le privé, nous devons également assurer la rétroactivité des paies.
Il y a certains sujets en commun : la DSN, notamment, en cours de déploiement dans le privé, s’imposera dans le public entre 2018 et 2020. Les organismes publics emploient d’ailleurs souvent des agents de droit privé : nos solutions intègrent les besoins de chaque client en la matière. Gérer cette mixité public/privé est un aspect important, auquel nos solutions sont bien adaptées. Nous avons notamment élaboré nos premières DSN dans des offices publics HLM en janvier 2016.
Parmi les évolutions réglementaires très attendues par la profession, il y a celle du code des marchés publics. Le mode d’achat en Cloud et par abonnement requiert en effet un changement des règles, par rapport au mode en licence/maintenance, investissement/fonctionnement qui prévaut actuellement et n’est plus adapté aux nouveaux modèles de consommation en Saas.
Quelles sont, aujourd’hui, les grandes tendances qui affectent ce marché ?
Il y a d’abord une tendance lourde : la baisse des dotations des collectivités locales, qui est considérable, puisqu’elle représente un peu plus de 11 milliards d’euros sur 3 ans. Les organisations publiques sont amenées à rechercher des systèmes RH et paie plus productifs et moins coûteux au total.
Deuxième tendance : depuis la loi de de simplification, de plus en plus de textes poussent à la dématérialisation. D’une façon générale, le secteur public est en avance de ce point vue, et pousse à la dématérialisation depuis plus de 10 ans. Mais le mouvement s’accélère.
Troisièmement, la loi NOTRe (sur la nouvelle organisation territoriale) a accentué la tendance aux fusions de collectivités : communes, intercommunalités, régions. De ce fait, des groupements d’achats se développent de plus en plus, avec une consommation d’outils en mode Saas. Des centres de gestion, des syndicats intercommunaux informatiques concentrent des services en mode CSP (centres de service partagé).
Toutes ces tendances tirent dans le même sens : vers le Cloud. Une grande majorité de nos clients agglomération également passent en mode Cloud : cela leur permet d’être plus agiles dans le processus de mutualisation, de déléguer les questions techniques. Il y a toutes les raisons de penser que cette évolution va s’accentuer dans les années à venir.
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Crédits illustration : DR, © Jean-Luc Mege