21/11/17

PAY JOB

Par PAY JOB

Brèves

Cabinet de recrutement

Entreprises

Il y a une semaine, l’article « 250 cabinets de recrutement au top » a fait le buzz. Dans le milieu du recrutement, chacun a immédiatement cherché si son cabinet y figurait ce qui représente une vraie performance puisque, comme l’indique l’article, il existe 3500 cabinets de recrutement implantés en France. Autrement dit, seuls 7% des acteurs existants ont été sélectionnés dans le classement.

Disons-le d’emblée, la première édition de ce classement est une très bonne nouvelle pour l’ensemble des acteurs du recrutement. La démarche des Echos est extrêmement bienvenue, et mérite d’être renouvelée tous les ans. Elle a le mérite d’apporter un éclairage sur le milieu des cabinets de recrutement. Les entreprises choisissent encore trop souvent leurs prestataires de recrutement en fonction du bouche à oreille ou des opportunités immédiates. Elles ont besoin d’informations claires et fiables pour étayer leur jugement. En cela, les Echos, journal économique qui bénéficie d’une image sérieuse et professionnelle, sert à la fois à travers ce classement l’intérêt des entreprises clientes et des prestataires de recrutement. Une première porte s’ouvre. D’autres études suivront probablement et permettront de professionnaliser la relation client/ prestataire. L’efficacité de cette collaboration repose sur le sérieux proposé par les cabinets de recrutement, sur leur fiabilité. Comme le précise l’article des Echos, les discours marketing prétendument différenciant ne suffisent plus. Le recrutement se situe à la frontière de la gestion financière et des relations humaines. Les outils permettant d’évaluer les cabinets de recrutement sont aujourd’hui insuffisants alors même que les moyens de communication modernes les rendent possibles. Le classement des Echos et Statista va dans ce sens.

Ceci dit, le classement proposé soulève trois réserves principales que nous présentons ci-dessous. Pour chacune, nous proposons des solutions d’amélioration.

1ère réserve : nous pensons qu’il ne faudrait pas interroger les consultants en recrutement, qui sont juges et partie. Pour établir ce classement, les Echos ont interrogé 5500 candidats, managers RH et consultants en recrutement. Cette taille d’échantillon semble suffisante pour disposer de résultats fiables, avec une marge d’erreur en-dessous des 5%, selon ce que nous indiquent les sondeurs professionnels. Cependant nous nous interrogeons sur la pertinence d’interroger des consultants en recrutement. En effet, il apparaît clairement qu’il y là un risque avéré de partialité. Les consultants du cabinet X n’auront-ils pas tendance à vanter les qualités de leur propre cabinet plutôt que celles de la concurrence? Dans ce jeu-là, les petits acteurs sortent forcément perdants, puisqu’ils disposent de moins de consultants…

2ème réserve : le classement fait une trop large part aux gros acteurs. En effet, le classement a été déterminé en fonction du nombre de recommandations obtenues et des notes attribuées sur différents critères. Il apparait clairement que la taille des cabinets a pu jouer un rôle dans l’établissement du classement : plus un groupe de recrutement est connu, plus il a de chance d’obtenir des recommandations de la part des personnes interrogées. Même si ce classement met en lumière un certain nombre de petits acteurs du recrutement (nous y figurons nous-même, malgré notre spécialisation sur les métiers de la paie), les premières places sont trustées par les sociétés les plus connues : Michael Page, Hays, Expectra, Robert Half et Robert Walters sur la partie Recrutement ; Adecco, Manpower, Randstadt et Crit sur la partie intérim. Nous nous interrogeons : ces sociétés sont-elles plus qualitatives, plus efficaces et moins chères que les autres ? La corrélation entre leur taille et leur apparition en premières places du classement est flagrante et conséquemment, pose question. Pour améliorer le classement, il serait par exemple intéressant de calculer un nombre de recommandations pondéré par la taille du cabinet (taille du CA ou du nombre de salariés). Gros et petits acteurs seraient ainsi à armes égales.

3ème réserve : les critères d’évaluation devraient être davantage détaillés. Exclusive RH nous apprend que les critères de sélection portent sur la qualité de travail des cabinets (dans le choix des postes et des cv proposés), le rapport qualité-prix, et la rapidité d’exécution de la mission. Ces critères semblent choisis pertinemment, même s’ils sont mesurés de manière qualitative et non quantitative, puisque les informations récoltées reposent sur les déclarations d’un échantillon de personnes et non sur des mesures scientifiquement vérifiables, comme pourraient l’être le taux de transformation ou par exemple la mesure du délai moyen avant présentation des dossiers de candidatures au client.

Mais faute de détailler les critères d’évaluation, le classement pâtit d’un manque de clarté. Par exemple Michael Page est en tête des cabinets de recrutement dans la catégorie « Recrutement de Managers et Spécialistes ». Sur quels critères ? Leurs cv sont-ils mieux ciblés ? Sont-ils plus rapides pour pourvoir des missions ? Leurs honoraires sont-ils moins élevés que ceux des autres cabinets de recrutement ? Parmi les différents critères étudiés, où nous pouvons supposer que Michael Page n’est pas systématiquement premier, comment les sondeurs ont-ils organisé leur classement ? Un critère a-t-il été jugé plus fondamental qu’un autre ? La qualité a-t-elle été par exemple priorisée sur le prix ? La réactivité sur la qualité ? Etc. Il nous apparaît donc nécessaire que les sondeurs précisent à l’avenir les rubriques qui permettraient à la fois de légitimer et d’éclaircir le classement final, à la manière dont sont évaluées chaque année les écoles de commerce (en fonction de la qualité pédagogique, de l’employabilité, de l’ouverture à l’international, etc.)

En adoptant ces différentes propositions, le quotidien économique pourra renforcer la crédibilité et l’utilité d’un classement annuel des cabinets de recrutement fondé sur des critères objectifs et impartiaux, et ainsi continuer à aider l’ensemble des acteurs du recrutement, cabinets et directions des ressources humaines, à faire les meilleurs choix avec un maximum d’informations fiables.